Les risques d'un contrat à durée déterminée : l'importance d'un libellé exacte

La Cour supérieure de justice de l'Ontario a fourni un autre exemple des raisons pour lesquelles les employeurs devraient éviter les contrats à durée déterminée, sauf en cas de nécessité absolue. Bien que les contrats à durée déterminée aient l'avantage d'expirer sans autre obligation de la part de l'employeur, il y a de nombreux facteurs à considérer avant de conclure une entente à durée déterminée. L'analyse effectuée dans l'affaire Tarras c. The Municipal Infrastructure Group Ltd, 2022 ONSC 4522, démontre l'importance d'un contrat à durée déterminée correctement rédigée, sans lequel un employeur pourrait être tenu responsable de rémunérer un employé pour le restant de la durée du contrat.

Contexte

Dans l'affaire Tarras c. The Municipal Infrastructure Group Ltd (« Tarras c. The Municipal Infrastrucure »), le demandeur a poursuivi son employeur pour rupture de contrat et congédiement injustifié d'un contrat à durée déterminée.

Le demandeur était un ingénieur et l'un des anciens propriétaires de la défenderesse, The Municipal Infrastructure Group Limited (TMIG). En décembre 2019, le demandeur a vendu ses actions dans l'entreprise à T.Y. Lin international Canada Inc, une grande société internationale d'ingénierie.

Au moment de la vente, le demandeur a négocié un contrat de travail avec TMIG pour devenir vice-président. Le contrat d'emploi était d'une durée fixe de trois ans, soit jusqu'au 2 décembre 2022. L'entente prévoyait également un salaire de base brut de 250 000 $ par année, ainsi que d'autres formes de rémunération, notamment des avantages sociaux et un régime de rémunération incitative.

Le 25 novembre 2020, le demandeur a reçu une lettre de licenciement de TMIG indiquant qu’il serait licencié " sans motif " à compter du 31 décembre 2020. Le salaire et les avantages sociaux du demandeur ont été résiliés à compter du 31 décembre 2020, soit deux ans avant la fin de son contrat à durée déterminée.

Pour appuyer son licenciement, TMIG s'est appuyé sur la clause de résiliation anticipée du contrat d’emploi du demandeur :

Résiliation pour motif valable

TMIG peut mettre fin à l'emploi de l'employé en vertu des présentes pour un "motif valable" immédiatement après la remise d'un avis de résiliation écrit à l'employé. Par "motif", on entend l'incapacité répétée et avérée de l'employé à s'acquitter de manière compétente des fonctions essentielles de son poste, à laquelle l'employé ne remédie pas de manière substantielle dans un délai raisonnable après avoir reçu des avertissements écrits et des conseils de la part de TMIG ; l'employé se livrant à des actes de vol, de malhonnêteté ou de falsification de dossiers ; le refus délibéré de l'employé de suivre des instructions raisonnables auxquelles l'employé ne remédie pas de manière substantielle après avoir reçu des avertissements écrits de la part de TMIG ; ou tout acte ou omission qui équivaudrait à un motif en common law. Dans le cas où l'emploi de l'employé en vertu des présentes est résilié conformément aux dispositions de l'article 11 (a), l'employé ne recevra aucun paiement de quelque nature que ce soit, y compris un préavis de résiliation ou un paiement en remplacement de celui-ci, ou une indemnité de départ, le cas échéant, à l'exception du salaire et des vacances accumulés et non payés.

Résiliation sans motif

TMIG peut, à sa seule discrétion, mettre fin à l'emploi de l'employé pour quelque raison que ce soit, sans motif valable ou à l'expiration de la durée du contrat, en donnant à l'employé un préavis de licenciement, ou un paiement tenant lieu de préavis, ou une combinaison des deux, et une indemnité de départ, le cas échéant, conformément à la Loi de 2000 sur les normes d'emploi de l'Ontario.

La Cour a établi que la clause de résiliation est inapplicable. Le langage utilisé dans la clause de résiliation, plus précisément dans la section sur le licenciement pour motif valable, était contraire au libellé de la Loi de 2000 sur les normes d'emploi (« LNE »). La Cour a également déclaré que toute disposition de la clause de résiliation d'un contrat d’emploi qui contrevient à la LNE ou prive un employé de ses droits statutaires en vertu de la LNE, rend le contrat nulle dans son entièreté. À ce titre, la Cour a accordé au demandeur un dédommagement de 479 166,67 $ plus les avantages, ce qui représentait les 23 mois restants du contrat à durée déterminée.

Aucune obligation de l’employé à atténuer ses dommages dans les contrats à durée déterminée

Comme l'a réitéré l'arrêt Tarras c. The Municipal Infrastrucure, les contrats à durée déterminée n'obligent pas l'employé à atténuer ses dommages en cherchant un nouvel emploi après la résiliation. La Cour d'appel s'est penchée sur cette question dans plusieurs affaires, notamment dans les décisions récentes Howard c. Benson Group Inc. (2016), McGinty c. 1845035 Ontario Inc. (2019) et Livshin c. The Clinic Network Canada Inc. (2021).

L'importance d'un libellé exacte

Le libellé de la clause de résiliation permettait à la partie défenderesse de licencier l'employé pour un comportement qui répondait à la norme de common law en matière de cause, mais qui ne répondait pas à la norme requise par la LNE. La Cour maintient que c'est le libellé de la clause de résiliation en question qui détermine si un contrat contrevient à la LNE.

Après un examen plus approfondi du contrat de travail dans l'affaire Tarras v. The Municipal Infrastrucure, la Cour a souligné plusieurs autres dispositions qui ne comportaient pas le libellé approprié en vertu de la LNE. Entre autres, ils ont souligné les sections suivantes :

  • « l'incapacité répétée et démontrée de l'employé à accomplir les tâches matérielles de son poste de manière compétente » ;
  • « L'employé se livrant au vol, à la malhonnêteté ou à la falsification de dossiers »;
  • « le refus délibéré de l'employé de suivre des instructions raisonnables »; ou,
  • « tout acte ou omission qui équivaudrait à une cause en common law ».

La Cour a expliqué que ces dispositions créaient pour les employés une norme de comportement différente de celle énoncée dans la LNE. Non seulement une formulation inappropriée peut annuler une disposition d'un contrat, mais elle peut également rendre le contrat entier inapplicable, comme l'a démontré l'affaire Tarras v. The Municipal Infrastrucure.

Points importants à retenir

Cette décision souligne l'importance de la révision et de la bonne formulation d'un contrat d’emploi pour garantir sa conformité avec la LNE. En règle générale, les dispositions de résiliation mal rédigées qui contreviennent à la LNE sont susceptibles d'annuler l'ensemble du contrat d’emploi. Un employeur devrait prendre des mesures proactives pour assurer une révision adéquate de ses contrats à durée déterminée afin de réduire le risque d'une clause de résiliation inapplicable.

Si vous êtes un employeur et que vous avez des questions concernant vos contrats d’emploi à durée déterminées, veuillez contacter les avocats de Sicotte Guilbault.

Yasmine Atif

Yasmine Atif

Avocat(e)

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